CHAPITRE 3
Le principe yin-yang
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De toute la philosophie chinoise, c’est sans doute le principe du yin et du yang qui est le plus familier à l’esprit occidental. Il figure d’une part les deux Forces de la Nature, c’est-à-dire le principe de dualité qui imprègne tout entier le monde des manifestations ; d’autre part l’Ordre cosmique puisqu’il opère sous la dictée du Tao. La représentation graphique du principe yin-yang figure les deux grandes forces de l’univers : clair-obscur, négatif-positif, mâle-femelle, dans une égalité et un équilibre parfaits. On distingue un point noir dans la partie blanche, et un point blanc dans la partie noire. Ce n’est nullement un hasard. Au contraire, c’est un détail vital du symbolisme qui rappelle que tout élément mâle comporte nécessairement un principe femelle et que tout élément femelle comporte nécessairement un principe mâle.
Les forces yin et yang sont totalement interdépendantes. Elles ne peuvent exister l’une sans l’autre et elles se complètent mutuellement. Cependant, elles ne sont pas radicalement dualistes car, si elles président à l’apparition de tous les phénomènes dans le monde, elles président aussi à leur résorption dans l’unité du Tao. Les forces opposées ne sont pas autre chose que des aspects d’une seule et même réalité ; elles sont un facteur de multiplication mais aussi de réunion.
L’équilibre dans lequel elles se tiennent provient de l’harmonie de leur interaction, et non pas d’une lutte.
Le yin et le yang ne sont ni des substances ni des entités ; ils représentent un principe inhérent à l’ensemble du monde de la manifestation.
L’action de ces deux forces règle tout entière la vie de l’homme, ainsi que celle du règne animal et végétal. Elle pénètre tous les plans de l’existence; elle est présente partout dans l’immensité de l’univers, mais aussi dans l’intimité du cadre familial.
La sagesse chinoise s’exprima à travers deux philosophies distincts qui contribuèrent chacune à régler la vie du peuple et à la maintenir en équilibre. Le taoïsme insuffla à la culture chinoise son goût pour les arts, la créativité et le mysticisme, tandis que le confucianisme lui inculqua son désir de l’ordre, du décorum et des rites. Le taoïsme se fondait sur l’aspect rythmé et mouvant de l’univers, sur le naturel et la spontanéité ; il se voulait libre de tout conformisme et détaché des choses terrestres. Le confucianisme était tout entier occupé à la stabilité et l’ordre social, au convenances et à l’administration des affaires de ce monde. Le taoïsme était idéaliste, le confucianisme réaliste, mais ensemble ils se parachevaient. Chacun tendant à modérer les excès de l’autre, ils barraient la route à la fois au libéralisme outrancier et au classicisme aride et rigide.
Le sage taoïste est l’exemple parfait de l’équilibre des forces yin et yang. « Immobile, il communie au mode yin, agissant il communie au mode yang. » En lui esprit et coeur, intellect et sentiments, intelligence et instincts s’équilibrent. N’étant ni négatif ni positif, il se tient dans l’invariable milieu, l’axe central.
Le mental qui toujours critique, rationalise et analyse est, par nature, un facteur de multiplicité. Il dénomme, définit et délimite.
Confondant la lettre et l’esprit, il se croit volontiers omniscient et d’une sagesse achevée. Souvent prédomine un intellectualisme desséché et un attrait démesuré pour les plaisirs des sens chez ceux qui sont victimes du déséquilibre.
Le yin et le yang constituent les modes inséparables de la passivité et de l’activité qui sans cesse se suscitent l’un l’autre. Ils sont les pôles de la force créatrice primordiale qui, à travers eux, agit partout dans l’univers manifesté, provoquant ses changements incessants. Mais ces forces ne représentent pas seulement la dualité immanente au monde, elles figurent aussi l’accomplissement et l’intégralité.
Quand on envisage les forces yin et yang en termes de lumière et de ténèbres, il faut se garder de leur accorder le sens occidental de « bien » et de « mal » et, par-là, de vouloir retenir l’un et rejeter l’autre. Car, « vouloir le bien sans le mal, la raison sans le tort, l’ordre sans le désordre, c’est montrer qu’on ne comprend rien aux lois de l’univers ; c’est rêver un ciel sans terre, un yang sans yin, le positif sans le négatif…
Dire qu’une chose est bonne ou mauvaise simplement parce qu’elle l’est ainsi à nos yeux, revient à dire qu’il n’est rien qui ne soit pas bon ni rien qui ne soit pas mauvais ». A la lueur de ces vues, on s’aperçoit combien profond est le déséquilibre dont souffre le mode de pensée occidental qui s’emploie à éliminer l’un pour ne conserver que l’autre. L’appropriation entre les circonstances et le comportement est un facteur à ne pas négliger dans ce monde où tout est soumis aux règles de la relativité. Ce qui est bon pour l’un est parfois franchement mauvais pour l’autre.
La loi universelle du changement par l’interaction du yin et yang entraîne avec elle celle de la réversibilité. Le Tao est immuable, absolument pur mais, dans le monde delà dualité, un bien peut devenir un mal et un mal un bien. Chaque élément croît jusqu’à son apogée puis décline, révélant au fur et à mesure son opposé. Il n’y a rien qui soit absolu dans le monde phénoménal.
L’homme est responsable de la plupart des maux qui l’accablent. C’est pourquoi, lui seul peut s’en guérir. Certaines calamités, dont il prétend à la légère qu’elles sont « naturelles », entendant par-là qu’il abdique tout espèce de responsabilité à leur égard, le deviendront au plein sens du terme quand il aura réalisé leur causes véritables.
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Tchouang-tseu
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6 août 2012 at 12:26
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